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Bravo Carole !

19 Juin 2005, 00:00am

Publié par Fabien Besnard

Aujourd'hui je vais me contenter de faire un copier-coller d'une proposition vraiment remarquable d'une internaute (Carole) lue sur le blog d'Etienne Chouard : la TVA sociale :
"Je sais que la TVA est taboue à gauche, et je ne vois d'ailleurs pas d'autre raison à l'absence de débat sur "la TVA sociale" - comme certains l'appellent) :
· La TVA est un instrument que nous maîtrisons encore (à la hausse, seulement...), en dépit de l'OMC et de l'Union. (Cet argument est logiquement annexe, mais c'est essentiel du point de vue de la faisabilité de la démarche : elle n'exige pas de rupture majeure avec notre environnement international.)
· Le transfert du financement de la sécurité sociale des salaires vers la consommation via la TVA permet de supprimer le biais énorme entre les produits nationaux et les produits venus des pays "esclaves" (Chine, Inde ...) où nos entreprises se délocalisent allègrement.
Voici le biais dont je veux parler : chaque fois qu'un bien est produit en France, contrairement aux pays à protection sociale faible ou inexistante, nous produisons en même temps de l'allocation familiale, de l'assurance chômage, de l'assurance vieillesse ... Très bizarrement, ce biais n'est jamais mentionné par les chantres de la concurrence libre et non faussée (évidemment parce qu'ils espèrent que le forçage de la concurrence le fera disparaître par disparition de la sécurité sociale, cette terrible externalité positive de l'économie que le modèle libéral néglige fort commodément). Pour bien faire comprendre pourquoi la TVA permet d'agir sur ce biais, je rappelle que les échanges transfrontaliers (y compris au sein de l'Union) se font en prix hors taxe : la TVA est payée par le consommateur final selon le taux du pays du consommateur. Donc, en transférant le financement de la protection sociale sur la consommation via la TVA, c'est chaque fois qu'un bien est consommé en France, indépendamment du pays d'origine et de son niveau de protection sociale, que nous pouvons financer en même temps de l'allocation familiale, de l'assurance chômage, de l'assurance vieillesse ... (Remarquons au passage que dans cette configuration nous n'avons plus à avoir peur de la directive Bolkestein et que le plombier polonais qui viendrait faire de la plomberie en France premièrement ne pourrait plus guère être moins cher que le plombier français (qui se fait rare), deuxièmement contribuerait à la sécurité sociale en France comme le plombier français - à condition de savoir récupérer la TVA sur sa prestation.) Le résultat de la suppression du biais induit actuellement par le financement de la protection sociale par la production, c'est de démotiver les délocalisations, et de manière générale de réduire très considérablement la pression sur la variable d'ajustement qu'est (assez logiquement) devenue la masse salariale. En corollaire, le résultat de la suppression de ce biais, c'est aussi de rendre aux produits nationaux une compétitivité à l'exportation que toutes les politiques de compression de la masse salariale par les licenciements n'atteindront jamais. Il faut être conscients que le coût de la main d'oeuvre en France est pour l'employeur le double du salaire net touché par le salarié, la différence étant les charges patronales et salariales qui financent la sécurité sociale. Si l'on considère, à la louche et en moyenne, que le prix de revient d'un produit national comprend 50% de coût de main d'oeuvre, comme la moitié de ce coût correspond au financement de la protection sociale, c'est de 25% que l'on peut faire baisser le prix de revient des produits nationaux à l'exportation. On voit donc aussi que, pour bien faire, il faudrait que la démarche englobe nos partenaires européens avec lesquels nous avons beaucoup d'échanges, l'Allemagne en premier lieu. (Je verrais là une très belle initiative franco-allemande pour reprendre la main sur l'économique - et enchaîner sur les institutions ensuite.) Pour conclure l'argumentaire "positif" : le Danemark a accompli la réforme du financement de sa protection sociale (modèle) par la TVA depuis 1987 ; le Danemark a un taux de chômage voisin de 6%. Il faut maintenant répondre rapidement aux objections qui se présentent.
· Le transfert du financement de la sécurité sociale des salaires vers la consommation via la TVA n'est pas inflationniste pour les produits nationaux (ni pour les produits issus des pays européens à forte protection sociale qui suivraient la même démarche) : le prix hors taxe baisse d'autant que les taxes montent. (Ca, c'est en global, avec des différences d'un produit à l'autre selon la part de main d'oeuvre qui entre dans la composition du prix, sauf à moduler la TVA en fonction des produits pour ne pas bouleverser le système de prix - mais je laisse ce débat pour plus tard.)
· Il est évident par contre que les produits chinois ... seraient plus chers. C'est aussi le cas si l'on utilise la dévaluation monétaire pour favoriser les exportations (la dévaluation de l'Euro n'étant cependant pas, en l'état des traités, un instrument à notre portée : cf. les critiques sur les statuts de la BCE).
· L'instrument TVA n'est cependant pas protectionniste (les taxes à l'importation, qui sont des instruments protectionnistes, ne sont plus à notre portée cf. OMC ...) puisque l'instrument TVA ne fait que supprimer un biais concurrentiel : on dirait plus justement qu'il est "anti-antiprotectionniste". C'est même un instrument très moral car, au lieu de tirer les pays à forte protection sociale vers le bas, il tire leurs concurrents vers le haut. (Il faudra bien un jour dire que les Chinois sont au moins autant nos esclaves que les voleurs de nos emplois, puisqu'ils produisent des richesses dont ils ne voient jamais la couleur.)
· Le transfert du financement de la sécurité sociale des salaires vers la consommation via la TVA n'est pas "injuste", en tout cas pas plus qu'aujourd'hui, puisqu'il se fait à prix constants à la consommation - sauf pour les produits des pays "esclaves". Comme aujourd'hui, cette injustice peut se corriger par l'impôt sur le revenu et la redistribution sociale : puisque, en accomplissant ce transfert vers la TVA, on fiscaliserait la protection sociale, on pourrait aussi imaginer que les bas revenus se verraient attribuer, sur la base de la déclaration des revenus, un revenu complémentaire de redistribution (sorte d' "impôt négatif"). Remarquons enfin que le financement de la protection sociale par les salaires, outre qu'elle ne fonctionne plus, n'est pas particulièrement juste non plus.
Je pourrais approfondir et je souhaite vraiment qu'un débat grand public puisse naître sur cette proposition anormalement absente de la scène médiatique, mais je referme provisoirement cette parenthèse déjà plus longue que prévue. Une dernière remarque quand même : parmi les instruments non encore essayés pour lutter contre le chômage, outre ceux cités ci-dessus et dont on voit que seule la TVA est accessible aujourd'hui, il reste celui proposé par Sarkozy (et même certains à gauche si j'ai bien entendu Védrine mardi !) : la flexibilité ... ! Donc ce débat que j'appelle est vraiment vraiment urgent."
Carole propose ensuite de faire de l'entrisme au PS pour influer sur sa direction : là je suis nettement moins convaincu. Il me paraît au contraire nécessaire de militer dans un parti qui est proche de ses propres idées dans un soucis minimal de cohérence et d'honnêteté intellectuelle. Si l'on est consterné par les erreurs historiques de la direction du PS (sur l'éducation, sur la sécurité des citoyens, sur la Constitution Européenne), on peut en tirer les conséquences et rejoindre un parti de gauche réellement Républicain.