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Emission sur l'état de la recherche

17 Août 2005, 00:00am

Publié par Fabien Besnard

L'émission d'Alain Cirou et Astrid Bard ce matin sur Europe 1 recevait Maurice Porchet, biologiste à l'université de Lille et Edouard Brézin, physicien et président de l'académie des sciences. Le thème était les difficultés de la recherche française, particulièrement du recrutement. L'idée principale qui a été martelée pendant cette émission est qu'il n'y pas trop de docteurs, mais que le privé ne les embauche pas suffisamment. On a entendu également les incantations habituelles sur la frilosité du privé en France, son aversion au risque, sa préférence pour les diplômés des grandes écoles.

Autant dire que ça m'a énervé. Comme dans d'autres domaines, le modèle français est accusé de tous les mots, et le privé est invité à résoudre tous les problèmes qui sont pourtant du ressort de l'Etat. Je ne nie pas qu'il y ait un problème spécifiquement français concernant le recrutement des docteurs dans le privé, mais pour y remédier il faut essayer de comprendre le problème sans a priori, en commençant par se dire que les recruteurs dans le privé ne sont pas idiots, qu'ils savent où est leur intérêt et qu'il n'ont pas forcément tort de préférer les diplômes bac+5 délivrés par les grandes écoles au doctorat. La première force des grandes écoles c'est le concours. Ce dernier est une sorte de certificat qui atteste qu'au moins à un moment donné de sa vie un candidat a été motivé et possédait des capacités techniques non négligeables. Dans la formation strictement universitaire, rien de tel n'existe. Tout le monde sait qu'on délivre des doctorats bidons, que certains docteurs n'ont tout simplement pas le niveau, il faut avoir le courage de le dire et cesser l'hypocrisie. D'ailleurs même pour les emplois dans la recherche publique, on privilégie systématiquement les candidats qui ont passé un concours (normale sup ou polytechnique, agrégation dans une moindre mesure). Certains diront que c'est scandaleux, moi je ne pense pas que ça le soit. Le principal reproche que je ferai à ces concours est qu'ils sélectionnent à un âge précoce et quasiment fixé. Il n'y a pas beaucoup de place dans le système français pour ceux qui se réveillent en retard ou qui ont un parcours un peu sinueux, quelles qu'en soient les raisons. C'est pourquoi je préconise, non pas de supprimer les concours, mais au contraire d'en créer un nouveau, préalable au doctorat ou se situant dans la première année d'un doctorat. Le but est de diminuer le risque qu'une personne prend en s'engageant dans un doctorat, d'une part en invitant une partie des candidats à se reconvertir avant de se lancer dans une telle aventure, et d'autre part en revalorisant le diplôme aux yeux des recruteurs. On peut dire du mal des concours, mais à mes yeux, il s'agit du "moins pire" des systèmes (le pire à l'exception de tous les autres comme Churchill disait à propos de la démocratie). On peut aussi reprocher à mon système d'être coûteux. On pourrait à moindre coût utiliser un concours existant, celui de l'agrégation dans les disciplines où elle existe. Comme l'a proposé J.P. Demailly, il conviendrait également de créer un corps d'agrégés docteurs qui aurait vocation à enseigner dans les 3 premières années universitaires.

Enfin, il faut également que l'Etat joue pleinement son rôle, et assume le risque que certains voudraient voir assumé par les entreprises privées, en embauchant davantage de chercheurs. Il s'agit après tout de faire respecter le contrat social (si tu travailles dur et que tu passes des diplômes, tu auras un travail intéressant) et c'est bien le rôle de l'Etat. De plus, on imagine mal comment un passionné d'archéologie, de cosmologie ou de mathématiques pures pourrait soudain se passionner pour la finance ou l'industrie, même si la paye est au rendez-vous. C'est aussi un problème de valeur : on ne peut pas à la fois se lamenter sur le fait que les jeunes accordent moins de valeur à la science qu'à l'argent, et proposer des emplois sous qualifiés ou non-motivants à ceux qui ont montré leur désintéressement et leur passion pour la recherche.

Mon article est sûrement un peu décousu, tapé dans l'urgence. C'est une réaction à vif. Mais j'espère avoir convaincu qu'on pouvait améliorer le ratio candidat/emploi après la thèse, aujourd'hui à un niveau scandaleusement bas, en jouant sur trois tableaux : plus de postes publics, moins de thésards, plus de débouchés privés grâce à une revalorisation du diplôme.