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Suppression de la procédure de qualification des enseignants-chercheurs

26 Juin 2013, 11:47am

Publié par Fabien Besnard

Un amendement adopté le 21 juin par le Sénat (ou pour être plus exact, par la vingtaine de sénateurs présents, lire ici) supprime purement et simplement la procédure de qualification.


De quoi s'agit-il ? Pour pouvoir postuler sur un poste de maître de conférence, le titulaire d'un doctorat doit en outre faire valider sa candidature par le CNU. Celui-ci envoie le dossier à un (ou deux, je ne sais plus) spécialiste(s) du domaine qui examinent si elle a un niveau suffisant. (Le CNU intervient également pour les HdR et les promotions, mais je ne parlerai pas de ces questions ici.)

 

Les défenseurs de cette procédure font valoir qu'elle est une protection contre le "localisme", traduction : le copinage, et aussi contre les candidatures fantaisistes ou hors-section (un astro-physicien qui se présenterait sur un poste d'informatique, par exemple).

 

Ses adversaires avancent que c'est une procédure lourde (il faut mobiliser des dizaines d'EC pendant plusieurs jours) et redondante (le niveau des candidats a déjà été évalué lors de l'obtention du doctorat, et l'adéquation au poste le sera par les commissions de spécialistes lors du recrutement).

 

En théorie, il semble parfaitement justifié de dire que la simple obtention du doctorat est en soi une preuve suffisante du niveau d'un candidat. Malheureusement cela n'est que trop faux, j'ai déjà expliqué ailleurs pourquoi (voir le paragraphe "s'ils sont arrivés jusque là c'est qu'ils ont le niveau"). Je résume pour ceux qui n'ont pas le temps d'aller voir le lien : Bogdanov.

 

Il est également juste de craindre que sans procédure nationale, les coteries locales deviennent prépondérantes. Cependant je ne vois pas en quoi la procédure de qualification soit un frein à cette dérive : entre deux candidats qualifiés, et ce n'est pas très difficile de l'être, celui qui a le plus d'entregent part de toute façon avec un avantage.

 

Bref, il y a un vrai problème, mais il serait illusoire de penser le régler avec une de ces procédures bureaucratiques dont la France a le secret  (à ce propos, voir le de vue du mathématicien Michael Harris).

 

Alors que faire ? Le seul système qui me paraisse équitable est celui d'un concours écrit national et anonyme. Cependant deux problèmes surgissent immédiatement : 1) comment organiser un concours dans des sous-disciplines hyper-spécialisées ?  2) comment s'assurer par le biais d'un concours qu'untel est un chercheur prometteur ?

 

Il est clair que la réponse aux deux questions est  que c'est impossible. Par ailleurs, il semble difficile de dire à quelqu'un qu'il n'a pas le niveau alors qu'il s'est déjà investi plusieurs années dans une thèse. La réponse vient alors d'elle-même : organisons le concours avant la thèse. Comme il s'agira alors de sélectionner sur des connaissances assez générale, pourquoi ne pas utiliser un concours qui existe déjà ? L'agrégation par exemple. En clair, il suffit de mettre dans les textes que l'agrégation est nécessaire pour postuler sur un poste de maître de conférence. On m'objectera que l'agrégation est un concours d'enseignement qui n'a rien à voir avec la recherche, ce à quoi je répondrai qu'un maître de conférence est un enseignant-chercheur, et que la partie enseignement n'est pratiquement jamais prise en compte dans le recrutement (ça dépend peut-être des disciplines), et que ça serait un moyen simple de remédier à cette situation.

 

Avantage du système : 1) c'est simple et le coût est nul.

2) c'est justifié car un MdC est à 50% un enseignant.

3) cela permet d'éliminer les candidatures fantaisistes et hors-sections.

 

Inconvénients : 1) il y a des disciplines où il n'y a pas d'agrég.

2) il devient difficile de "caser" l'agrég avec la masterisation.

3) ça ne concerne que les candidats français.

 

Réponses : 1) créons-en : ce serait très utile par exemple en informatique.

2) revenons sur cette réforme stupide.

3) débattons de ce problème, si c'en est un, au grand jour au lieu de tenter de le régler hypocritement (voir ci-dessus le lien vers la page de Michael Harris).

 

Quant au problème du copinage, soyons clair, il sera d'autant plus aigu que les postes seront peu nombreux, quel que soit le système (il est bien connu que les "groupes dominants" se ferment aux nouveaux venus en protégeant leurs proches en cas de pénurie de ressource).

Pour éviter les abus, mieux vaudrait agir a posteriori en les sanctionnant (on peut éplucher les recrutements d'un labo sur 10 ans en comparant les parcours des chercheurs ayant été recrutés et de ceux qui ne l'ont pas été), que de tenter vainement des les prévenir a priori.

 

Voilà pour le fond du problème. Quant à la forme, elle est détestable : une décision aussi importante est prise "sur un coin de table", sans concertation ni véritable débat. Espérons que le débat, qui est maintenant lancé, reviendra au parlement dans de meilleures conditions.

 

 

MAJ du 27/06 : l'amendement aura été de courte durée, il est déjà retiré...