Temps des philosophes, temps des physiciens, temps des mathématiciens
J'ai eu le plaisir de faire hier une présentation au groupe de travail "Philosophie et Physique", au REHSEIS, à Paris 7, à l'invitation d'Alexis de Saint-Ours. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour le remercier.
Il était question du temps. Voici le texte que j'ai écrit pour la circonstance, je pense qu'il peut intéresser les lecteurs de Mathéphysique.
Voici le résumé :
"La question de la compatibilité du présentisme et du possibilisme avec la Relativité a fait couler beaucoup d'encre depuis l'argument initialement proposé par Rietdijk et Putnam. L'objectif de ce texte est d'étudier les implications de la Relativité, Restreinte et Générale, ainsi que de la Mécanique Quantique, sur le présentisme, le possibilisme et l'éternalisme, en dégageant clairement les présupposés métaphysiques sous-jacents à ces trois approches de la question du temps. Nous montrons qu'il existe une unique version du présentisme qui soit à la fois non triviale, dans le sens où elle ne réduit pas la notion de présent à un unique événement dans l'espace-temps, et compatible avec la Mécanique Quantique et la Relativité Restreinte : celle qui identifie le présent d'un observateur en un point à son cône de lumière du passé en ce point. Cependant cette compatibilité ne peut être atteinte qu'en renonçant à la notion d'une réalité objective indépendante de l'observateur. Nous donnons également des arguments permettant de conclure qu'aucune notion non triviale de présentisme ne parvient à survivre aux assauts de la Relativité Générale, tandis qu'une version du possibilisme, à condition d'accepter l'hypothèse d'Hawking de protection de la chronologie, passe cette épreuve. Nous remarquons que les théories physiques évoquées ci-dessus contraignent le présentiste à rétrécir et à fragmenter sa vision de la réalité, tandis que de son côté, l'éternaliste se doit de l'augmenter afin d'être compatible avec les prédictions de la théorie quantique. Enfin, en identifiant les mathématiques comme le "deus ex machina" permettant à l'éternaliste d'unifier sa vision de la réalité au sein d'une structure globale cohérente, nous lui proposons un "marché idéaliste" : accepter une ontologie mathématique en échange d'une assurance de survie face à toute théorie physique."
Voici également les slides.
Par ailleurs, Alexis a écrit un article dans le dernier numéro de La Recherche, lui aussi consacré à la question du temps, avec un dossier intitulé "Le temps existe-t-il ?". En plus de l'article d'Alexis, qui fait fort clairement le point sur la question, on peut signaler une interview de Carlo Rovelli. Le seul regret qu'on peut avoir est que le dossier soit si court : une telle question aurait mérité de plus amples développements, il me semble.
UPDATE 10/07/10: There is now a much improved version of my paper here, and it's in english. There is also an english version of the slides.