Courir sous la pluie
En 1999 j'ai rédigé un petit article se voulant humoristique, et dont l'intérêt n'échappera à personne. Il s'agissait de donner une réponse définitive à cette question éternelle : faut-il courir ou marcher pour être le moins mouillé sous la pluie ? Il y a 3 ans ces travaux de première importance avaient attiré l'attention de l'émission E=M6, toujours à l'affût de ce qui peut faire un bon sujet saisonnier de 50 secondes, coco. Les moyens considérables de la petite chaîne qui monte, en l'occurrence deux cobayes plus ou moins volontaires pour passer un après-midi à se faire doucher copieusement par des pompiers, furent donc mis à la disposition de la science de pointe (votre serviteur, qui attend toujours qu'on lui rembourse le déplacement). Quant aux résultats ils dépassèrent mes espérances les plus folles. Après pesée de T-shirt mouillés, l'écart à la théorie fut de 10 % seulement !
Je pensais que des expériences d'une telle précision allaient clore définitivement le sujet, or il y a quelques jours je découvris avec stupéfaction un fil sur la question dans fr.sci.maths. Il semble que l'on s'intéresse encore à la chose, même en Amérique, où toujours à la pointe de la technologie, on a développé un petit calculateur permettant de déterminer avec précision la quantité de pluie reçue par un quidam pluviophobe. On notera que la formule à la base du calcul est tenue secrète, probablement pour des sombres histoires de royalties et de complexe militaro-industriel, tandis que la mienne est depuis longtemps dans le domaine public. Quel journaliste aura le courage de dénoncer ce scandale au moins équivalent à celui de la pseudo-découverte du virus du Sida par Gallo ? Mais que les yankees se rassurent (car je sens qu'ils tremblent) je ne porterai pas plainte, car moi je ne travaille pas pour quelques poignées de dollars, non, moi j'oeuvre seulement au bien de l'humanité, et à sa défense contre l'humidité.
Néanmoins, je tiens à affirmer ma priorité en cas de prix Ig-Nobel, même si je crains que les recherches en pluvio-physique ne soient pas tout à fait assez débiles pour recevoir une telle distinction. En effet, la concurrence est rude en terme de recherche stupide, puisque, comme on l'apprend dans l'excellent "Au fond du labo à gauche" d'Edouard Launet, en 2000 un chercheur britannique, Richard Stone, a réussi à convaincre l'armée de mettre à sa disposition un patrouilleur brise-glace avec à son bord deux hélicoptères de type Lynx pour répondre à cette taraudante question : est-ce que oui ou non les manchots se cassent la gueule quand ils regardent passer les avions ? La réponse est non. Respect.