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Alan Turing ou l'énigme de l'intelligence, par Andrew Hodges

29 Avril 2007, 17:41pm

Publié par Fabien Besnard

Cette biographie d’Alan Turing, un peu longue (430 pages), est particulièrement riche en détails sur la participation de Turing à l’effort de guerre Anglais et à la construction des premiers ordinateurs. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus ému dans ce livre.

 

Le 31 Mars 1952 Alan Turing est jugé coupable de relations homosexuelles par le tribunal de Knutsford dans le Cheshire. Il est condamné à se soumettre à un traitement hormonal et placé sous surveillance judiciaire pendant un an. Cette condamnation était relativement clémente pour l’époque. Elle procédait d’un certain « modernisme » qui considérait les homosexuels comme des victimes d’une tare génétique plutôt que comme des êtres faibles et immoraux, incapables de réprimer leurs instincts lubriques. Il faut savoir que cette triste alternative est encore en vigueur dans une certaine mesure aux états-Unis, où certains homosexuels revendiquent le caractère génétique de leur orientation sexuelle, afin d’échapper au statut de pécheur : car s’il n’y a pas de libre-arbitre il n’y a pas de péché. Toujours est-il que les premières tentatives de « soin » de l’homosexualité eurent lieu aux états-Unis en 1944 sous l’impulsion d’un certain Docteur Glass, qui injecta des doses d’hormones mâle à onze hommes homosexuels. Parmi ces onze personnes, trois avaient été contraintes par leur famille à recevoir le traitement, et une par un ordre du tribunal. La théorie sous-jacente était que les homosexuels masculins ne sécrétaient pas suffisamment d’hormones mâles, et se trouvaient en quelque sorte féminisés. L’expérience fut un échec : cinq sujets ressentirent un accroissement de leur pulsions contrairement à l’effet recherché. On passa donc à l’administration d’hormone femelle qui, sans changer l’orientation sexuelle des sujets, avait au moins pour effet de diminuer leur libido, voire de l’anéantir totalement. Et là je cite cette phrase d’Andrew Hodges qui m’a fait sursauter : « L’un des attraits de cette technique était qu’elle paraissait beaucoup plus efficace que la castration physique- régulièrement pratiquée aux états-Unis – qui ne parvenait pas à supprimer complètement les pulsions sexuelles. » J’ose au moins espérer que la castration physique n’était employée que sur des violeurs pédophiles, mais j’avoue n’en rien savoir. La castration physique étant interdite en Grande-Bretagne, Alan Turing eut droit à la version chimique. Malgré les effets indéniables de cette « thérapie » sur sa libido il mit un point d’honneur à continuer de fréquenter des hommes, pour ne point se renier. Comme on le sait il se suicida le 7 juin 1954, environ un an après la fin de son traitement.