Comment faire pour qu'ils n'oublient pas ?
Tous les enseignants ont un jour été assaillis par l'accablement en réalisant que leurs élèves avaient complètement oublié ce qu'ils avaient vu les années précédentes, ou pire, le mois dernier. Comment lutter contre ce fléau ? Je propose trois pistes, en espérant que vous saurez, chers lecteurs, en ouvrir d'autres.
Première piste : la répétition. Soumettre des batteries d'exercices du même type jusqu'à ce que ça rentre... C'est une méthode fort décriée dans certaines sphères pédagogistes. Je la crois indispensable, au moins pour les techniques de base. En même temps, son insuffisance me semble criante. Avantages : permet d'acquérir des réflexes qui constitueront un point d'appuis pour aller plus loin, permet de développer sa force de travail. Inconvénients : même les réflexes finissent par s'émousser à long terme, ne favorise pas la compréhension en profondeur.
Deuxième piste : la complexité. Donner des problèmes dont la solution n'est pas du tout évidente, et qui nécessitent d'employer des techniques variées, mélangeant diverses parties du cours. Il me semble que c'est le complément indispensable de la première piste, permettant de solliciter les réflexes acquis dans des contextes plus sophistiqués. Pour employer une métaphore sportive, la première piste appliquée à l'apprentissage du tennis consisterait à faire 100 coups droits, puis 100 revers. Pour la deuxième on joue une vraie partie. Je crois que cette complexité est ce qui manque le plus cruellement dans l'enseignement actuel.
Troisième piste : l'émotion. Ce qui reste le mieux inscrit dans notre mémoire est toujours ce qui a remué le plus d'émotion. Une grande variété d'émotions peuvent être utilisées dans l'apprentissage. L'émerveillement (devant des beaux résultats), l'enthousiasme (de l'enseignant, s'il est communicatif), le rire (même les blagues les plus stupides permettent de solliciter au bon moment le cerveau droit), voire même la peur (il est démontré qu'un peu de stress est bon pour la mémorisation).
Il y aurait bien une quatrième piste : faire découvrir par l'élève lui-même ce qu'on veut lui transmettre. Mais j'hésite à la citer. En toute honnêteté, si j'hésite c'est parce que c'est une tarte à la crème du pédagogisme, et que cela m'agace, mais je dois reconnaître que ça peut être un levier puissant pour susciter l'intérêt chez les élèves (non, même sous la torture je n'écrirai pas "l'apprenant"). Chaque enseignant sait qu'il a gagné lorsque ses élèves sont capables de finir ses phrases, de devancer ses questions, et qui n'a pas ressentit une immense jubilation en voyant briller la lueur de la compréhension dans les yeux des étudiants, avant même la fin de l'énoncé du théorème ou de sa démonstration ? Un cours où les étudiants ne sont pas un peu acteurs, un peu chercheurs, est un cours sinon raté, du moins oubliable, chacun le sait. Aller plus loin est possible dans certains cas (quand j'enseignais en seconde, j'essayais de faire en sorte que les élèves découvrent et énoncent eux mêmes les cas d'isométrie de triangles, par exemple), mais la généralisation serait contre-productive, et à mon sens, relèverait du dogmatisme pédagogique (le pire des péchés en cette matière), tant ce type d'activité est chronophage, et engendre à la longue un manque de structuration dans les connaissances.