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Perelman

3 Septembre 2006, 15:25pm

Publié par Fabien Besnard

Voici un article fort bien écrit du New Yorker à propos de Perelman et de son refus d’accepter la médaille Fields. Les auteurs réussissent à présenter aussi bien que possible dans un format aussi court la conjecture de Poincaré et les travaux qu’elle a suscité en topologie. Mais l’article se focalise surtout sur la psychologie des différents personnages (Hamilton, Yau, Perelman), leur différences de style (Yau, insistant sur la clarté d’exposition et la pureté logique, s’oppose à l’oracle Perelman aux démonstrations cryptiques), et enfin la querelle de priorité qui les oppose. Perelman est présenté comme un être ascétique, un pur esprit flottant bien au-dessus des préoccupations matérielles, des prix et des petites querelles. Je crains que cela ne fasse qu’accréditer l’idée déjà fort répandue que plus les mathématiciens sont talentueux, plus ils sont marginaux et fous. Et même si cette folie est présentée sous le jour positif de la sagesse érémitique, qui voudrait se plonger dans un savoir qui vous coupe de l’humanité à mesure que vous l’approfondissez ? La tentation de la pureté et de l’ascèse n’a pourtant rien à voir avec les mathématiques, mais tout avec les névroses. Il y a bien sûr une corrélation entre les deux : un caractère obsessionnel, une capacité à s’abstraire du monde, sont des atouts majeurs, et jusqu’à un certain point indispensables, pour une activité demandant un aussi long effort de concentration. Mais à quel moment l’obstination, qui seule permet d’accéder à la joie de la connaissance, se transforme-t-elle en l’obsession, qui vous domine et vous prive de toute autre joie ? Robert Musil a peut-être la réponse, lorsque, à travers son homme sans qualité, qui incidemment est mathématicien, il déclare : l’homme sain est celui qui a toutes les maladies mentales, tandis que le fou est celui qui n’en a qu’une seule.