Papam et circenses
Réunir 50 000 catholiques dans la capitale de la fille aînée de l'Eglise, est-ce vraiment un tour de force ? Certes, il n'en faut pas plus pour que les télépropagandistes, euh... je veux dire les journalistes, décrètent qu'il s'agit d'un grand succès. Tous ces jeunes venus en masse pour voir le pape, n'est-ce pas un signe indubitable d'un retour en force du religieux ? En fait, rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Les églises sont vides, les baptêmes en chute libre, et tous les sondages montrent que les croyances religieuses reculent régulièrement en France (Voir ici, ou là, ou encore là, pour diversifier les sources.) en particulier chez les jeunes. Il est également important de garder à l'esprit que parmi les 60 et quelques pour cent de français qui se déclarent catholiques, seule une infime partie affirme croire à la vie après la mort, la résurrection de Jésus, la virginité de Marie, bref, tout ce qu'un catholique est censé croire si les définitions ont un sens. Il est même assez piquant de constater qu'une bonne partie d'entre eux ne croit même pas en Dieu ! En se disant catholiques, ces personnes affirment simplement une appartenance de type communautaire, ou culturelle, comme on voudra.
Pour assurer la paix civile à Rome, il fallait du pain et des jeux. Le pain se faisant de plus en plus cher ces temps-ci, on comprend la tentation pour le pouvoir de recourir à la religion pour seconder la télévision dans son rôle de contrôle social et d'abrutissement des foules. Dans cette atmosphère de Restauration, le gagnant de la dernière loterie électorale pense pouvoir revenir en toute impunité sur la laïcité, et déterrer la hache d'une guerre qui s'était terminée sur un traité de paix. Dans l'éventualité d'un nouveau conflit, faisons un petit inventaire des forces en présence.
D'un côté on a des minorités agissantes : catholiques intégristes, musulmans fondamentalistes, juifs identitaires, escrocs scientologues, new born christians etc... Ce sont des troupes déterminées mais divisées : si elles peuvent se réunir pour taper sur les laïcs et les athées, elles ne perdront pas une occasion de se tirer dans le dos. Dans l'autre camp, on s'est beaucoup amolli ces temps derniers. L'anticléricalisme est une tradition qui se perd : il n'y a plus guère que quelques vieux militants de la Libre Pensée pour râler contre le statut dérogatoire de l'Alsace-Moselle, et il faut voir les regards qu'on me jette quand je refuse d'entrer dans une église cautionner l'OPA du clergé sur la mort et les grandes occasions de la vie. Pire, les atermoiements d'une certaine gauche devant la montée de l'islam politique a laissé le champ libre à une droite laïque sélectivement et par intermittence. Mais si le parti calotin envisage de déclencher les hostilités dans l'espoir d'une victoire facile, je crois qu'il se trompe, car en cas de mobilisation générale, le camp laïc peut compter sur le renfort de l'immense troupe des agnostiques, des athées, du sage parti des j'm'en foutistes, des vaguement déistes, des nombreux croyants qui n'éprouvent pas le besoin d'investir la place publique pour vivre leur foi, et enfin de ceux, toujours plus nombreux, qui aimeraient qu'on cesse de détricoter tout ce qui marche bien dans ce pays et qu'on s'occupe enfin des vrais problèmes.