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Sexisme

10 Août 2006, 11:28am

Publié par Fabien Besnard

Le Pour la Science du mois d'août contient une analyse du livre d'Eric Sartori "Histoire des femmes scientifiques de l'Antiquité au XXe siècle" par Danielle Fauque, historienne des sciences à l'université Paris XI. Je n'ai pas lu le livre mais l'intention de l'auteur semble digne de louanges tant l'injustice faite aux femmes et en particulier aux femmes de sciences à travers les siècles a été grande. Mais cela ne justifie pas que l'on fasse aujourd'hui du "sexisme à l'envers", or c'est précisément ce que fait Danielle Fauque dans son analyse, et, semble-t-il, Eric Sartori dans son ouvrage. Qu'on en juge : "La longue et si exclusive domination masculine ne finit-elle pas par créer une menace sérieuse pour la planète ? L'avenir de l'humanité est peut-être alors dans les mains des femmes." Voilà des propos bien revanchards et qui ne laissent pas augurer du meilleur... Un peu plus loin : "le but qui motive les physiciens plus que les physiciennes est la recherche d'une théorie unitaire. Or celle -ci passe par une compétition effrénée des théories (et des théoriciens) et par une course dans la construction d'accélérateurs coûtant des milliards d'euros. [...] En science comme ailleurs, les hommes sont nombreux qui attribuent avant tout de l'importance aux phénomènes de compétition et de concurrence (théorie de l'évolution oblige) plutôt qu'aux phénomènes de coopération et de symbiose auxquels les femmes sont plus sensibles." Il s'agit ici d'un résumé du livre mais D. Fauque ne prend aucun recul par rapport à ces propos qui contiennent pourtant un nombre assez impressionnant d'âneries pour un texte aussi court. La distinction qui est faite entre les motivations des physiciens et celles des physiciennes est le pur produit d'une idéologie sexiste et ne repose sur aucun fait. Ces lignes sont en fait reminiscentes de ce qu'on pouvait lire du temps de la science allemande ou soviétique, et l'idéologie différentialiste qui les inspire conduit tout droit à de graves dérives. Dans un premier temps elle conduit à une logique d'apartheid. Et en effet, je cite D. Fauque : "des études récentes tendent à montrer que la mixité des classes (considérée aujourd'hui comme la plus élémentaire modernité) serait dommageable pour l'épanouissement des filles." Je ne sais pas d'où sortent ces études mais les statistiques officielles de l'éducation nationale montrent au contraire une meilleure réussite des filles dans l'enseignement secondaire. Après les choses s'inversent, sans doute à cause d'une autocensure de la part des filles, qui ont tendance à se sous-estimer (alors que les garçons ont eux tendance à se surestimer). J'y vois personnellement l'effet de tout un environnement social, et non pas celui de la mixité. Revenir sur la mixité conduirait à casser le thermomètre plutôt qu'à s'attaquer aux vraies causes du problème.

Pour conclure, si on remplaçait dans le texte de D. Fauque (et peut-être dans le livre d' E. Sartori, qu'encore une fois je n'ai pas lu) les mots "femme" et "homme" respectivement par "noir" et "blanc", "juif" et "aryen", etc... le texte qui en résulterait serait abominable aux yeux de tous les humanistes. Les féministes d'inspiration différentialiste se défendent généralement (D. Fauque n'y manque pas dans son texte) en disant qu'on ne peut pas faire cette substitution parce que les femmes représentent la moitié de l'humanité et ne sont pas une minorité. C'est totalement absurde. Le racisme ni le sexisme ne se définissent en terme de proportions. Les propos de D. Fauque sont sexistes car ils supposent une différence intellectuelle et morale entre les êtres humains en fonction de leur sexe. Sans nier l'existence possible de telles différences, mais en ne les considérant que comme des variations statistiques dont l'étude est remise aux scientifiques, les universalistes comme Condorcet ont fait de l'égalité abstraite entre les individus la source du droit et de la morale. Cette égalité abstraite repose en fait sur une observation concrète : il n'y a rien (dans le domaine moral et intellectuel) qu'un homme puisse accomplir et qu'une femme ne puisse pas accomplir, même si tous les hommes ou toutes les femmes ne pourraient pas forcément l'accomplir. Cette égalité de potentiel nous force moralement à considérer un homme quelconque et une femme quelconque comme égaux en droit, sans quoi l'on pourrait se rendre coupable d'une injustice intolérable envers l'un ou l'autre. Cette philosophie, qu'on peut appeler républicaine, nous incite à construire une société où les individus peuvent se libérer de leurs déterminismes (de classe, de sexe, etc...) et exprimer leur génie propre. Nous en sommes loin, bien qu'un long chemin ait déjà été parcouru. Mais voici qu'aujourd'hui les communautaristes de tout poil cherchent à nous entraîner vers une société cloisonnée. Sous les beaux habits de la parité et de discrimination positive, on construit les entraves de la génération future sous prétexte de dénouer celles de la génération présente. Des entraves qui seront peut-être plus difficiles à briser.