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Constante cosmologique et gravité holographique

24 Juillet 2005, 00:00am

Publié par Fabien Besnard

Je continue à résumer ici quelques contributions qui m'ont paru importantes à la conférence "Le siècle d'Einstein".

Thanu Padmanabhan a fait un exposé très intéressant dont il est ressorti trois points importants : 1) il semble bien qu'il y ait une constante cosmologique 2) Si on veut interpréter cette constante comme une énergie du vide on a un gros problème d'ordre de grandeur, mais 3) ce problème pourrait se résoudre si on considère qu'il y a un mécanisme de suppression impliquant la gravité quantique, et qui ne laisserait subsister que de petites fluctuations.

Concernant le premier point, les observations expérimentales s'accumulent pour montrer que l'univers accélère son expansion. On peut interpréter cette accélération comme étant due à une énergie exerçant une pression négative, que l'on a baptisée "énergie noire". Cependant il se peut également que cette accélération soit due à la présence d'une constante dans les équations d'Einstein, appelée constante cosmologique. La présence de cette constante est parfaitement compatible avec la relativité générale, en fait Einstein l'avait initialement annulée pour simplifier ses équations, puis il l'a ajouté pour obtenir un modèle d'univers statique et fermé (une constante cosmologique positive exerce une sorte de répulsion cosmique qui peut contrecarrer exactement l'effondrement gravitationnel si on l'ajuste finement, mais ce modèle est instable), puis il l'a supprimé à nouveau lorsqu'il est apparu que l'univers était en expansion. De nombreux modèles ont été mis en avant pour "expliquer" l'énergie  noire : quintessence et autres champs exotiques. D'après Padmanabhan il s'agit là d'un mauvais travail d'ingénieur : on peut toujours sortir de son chapeau un champ inconnu pour coller aux données, tandis que l'explication la plus simple, compatible avec la relativité générale est la présence d'une constante cosmologique positive. Il est clair que la physique connue, la seule à laquelle on puisse se fier, ne donne aucune raison d'annuler a priori la constante cosmologique. Tandis que si on veut expliquer l'accélération par l'énergie d'un champ inconnu, on se retrouve avec deux problèmes au lieu d'un : primo il faut expliquer pourquoi la constante est nulle, et deuzio il faut expliquer d'où vient ce champ.

On peut également identifier la constante cosmologique avec une contribution de "l'énergie du vide", telle que celle-ci apparaît en théorie quantique des champs. Le problème est que l'ordre de grandeur n'est pas le bon, mais alors pas du tout. En fait la théorie quantique des champs peut donner quatre réponses possibles pour l'énergie du vide : 0, l'infini, un nombre énorme qui tombe 123 ordres de grandeurs au-dessus de ce qu'on observe, ou n'importe quel nombre choisi par convention (voir ce lien pour plus d'explications). Aucune réponse n'est bien sûr satisfaisante, mais Padmanabhan pense que la gravité quantique (dont nous ne disposons pas encore) pourrait engendrer un mécanisme de suppression, mais que bien sûr, ce mécanisme étant quantique, il serait sujet à de petites fluctuations qui auraient le bon ordre de grandeur (voir ce papier). C'est bien sûr très conjectural mais c'est néanmoins intéressant, d'autant plus que Padmanabhan a associé cette idée à une autre que j'ai trouvée remarquablement intrigante. Voici en deux mots de quoi il s'agit, histoire de vous allécher : la gravité est fondamentalement holographique, et cela peut se comprendre d'un point de vue thermodynamique. Ce dernier point est développé ici. Les grandes idées sont les suivantes : 1) beaucoup de solutions des équations d'Einstein ont des horizons des événements 2) en conséquence l'action d'Einstein-Hilbert s'étend à des régions qui sont inaccessibles à certains observateurs 3) mais on peut exprimer une action équivalente contenant uniquement un  terme de surface ! 4) on utilise un principe variationnel très différent de ce qu'on fait habituellement : on déplace infinitésimalement l'horizon 5) si ça vous rappelle vos cours de thermo c'est normal : ce qu'on fait c'est simplement calculer le changement d'entropie dû à un travail infinitésimal sur une membrane, les équations d'Einstein sont en fait équivalentes à TdS=dE+PdV !

Wow... Je suis très loin de comprendre tout ça, d'autant plus que l'article est très dense, mais j'encourage vivement sa lecture. L'idée qui est derrière tout ça est que les quantités qui apparaissent en relativité générale sont en fait des grandeurs "thermodynamiques", dont la relation aux variables de la gravité quantique seraient de même nature que la relation entre la  vitesse des particules d'un gaz et la température de ce gaz, autrement dit le lien entre la gravité quantique et la relativité générale serait du même ordre que celui qui unit physique statistique et thermodynamique. Ceci donne encore un peu plus de crédit à l'idée "d'atomes d'espace-temps", telle quelle peut apparaître par exemple en gravité quantique à boucles.

Bonne lecture !

PS : une très bonne référence à un niveau très abordable sur la cosmologie est Marc Lachièze-Rey, Initiation à la cosmologie, chez Dunod.